Fan de Loire-Atlantique

On vous informe sur votre région

La vidéo aura le film avant la télévision !

«Louisiane», toute la presse en parle avec, dans la plume, un frémissement de respect mêlé d’un arrière-goût de scandale. C’est l’événement ! Vendu à plus de trois millions d’exemplaires rien que sur le territoire français, le roman de Maurice Denuzières a coûté au cinéma environ un demi-milliard de centimes. Ce sera une production de treize millions de dollars… plus exactement une coproduction franco-américano-canadienne ! Un film de plus de deux heures sortira dans les salles le 25 janvier 84. Aussitôt après (enfin, cela dépendra de la loi…), la cassette vidéo sera éditée chez Proserpine qui en a acquis les droits exclusifs. Deux ans plus tard, «Louisiane» deviendra une série télévisée de six épisodes d’une heure («Cinquante minutes environ, rectifie Philippe de Broca, quand on enlève le résumé et le générique») diffusée par Antenne 2 qui coproduit cet «Autant en emporte le vent» made in France. Cette grande saga romanesque d’amour et de vengeance (qui se déroule entre 1830 et 1860), a été tournée sur les lieux-mêmes de l’action : au Mississippi, à la Nouvelle Orléans et à Paris où Virginia, l’héroïne du film, débarque en pleine révolution de 1848. Virginia c’est Margot Kidder, la Lois Lane de «Superman». Elle est entourée de lan Charleson («Les chariots de feu») dans le rôle de Clarence Dandridge, Victor Lanoux dans celui de Charles de Vigors, Andréa Ferréol dans celui de Mignette l’amie et la confidente, Raymond Pellegrin dans celui de l’infâme Mosley… sans oublier des milliers de figurants en costumes presque garantis d’époque. Côté indiscrétions pour rubrique mondaine, «Louisiane» ne déçoit pas. Trois metteurs en scène s’y sont succédés. D’abord Etienne Perier («Un si joli village») écrit une première mouture du scénario avec Dominique Fabre, travaille à lapré production, fait les repérages puis ne s’entend plus avec les producteurs canadiens. Jacques Demy («Une chambre en ville») commence alors le tournage. Tornades et pluies emportent les décors du port construit sur les quais de Pointe-Coupée. Le film est interrompu. La tension monte et Margot Kid der disparaît… Après quatre semaines, Demy abandonne. Il garde momentanément le silence sur ses raisons… par contrat. Étape suivante : Philippe de Broca entre en scène et le tournage semble trouver son rythme de croisière. En plein mois de juillet, de Broca et l’équipe de « Louisiane« se retrouvent à Paris pour quinze jours. Philippe de Broca n’a d’yeux que pour son héroïne : «Le personnage est intéressant. C’est une femme passionnée par sa plantation, très sensuelle et pleine de vie. Elle se bat pour défendre sa terre. Mais ce n’est pas un personnage très sympathique. Elle a des esclaves. Pendant la guerre de Sécession, elle vient acheter des armes à Paris pour la Confédération. Elle et sa famille sont de bons maîtres. On ne se sert jamais du fouet. Mais quand un esclave fait une connerie, on le vend à un mauvais maître. Avouez que c’est assez pervers. Ce n’est pas l’esclavage «horreur et torture», c’est plus passionnant parce que c’est plus feutré. C’est à l’image de Virginia, femme réactionnaire, mais très forte». De Broca traîne une réputation de joyeux réalisateur de comédies. Son dernier film, «L’Africain» avec Deneuve et Noiret, n’arrange pas les choses. Pourtant, par des films comme «Le roi de cœur», il a déjà prouvé sa sensibilité aux atmosphères plus subtiles et plus poétiques. «Louisiane est un grand mélodrame. Ça me change un peu de mes comédies. Mais le mélo a un caractère décalé qui rejoint la comédie. Je suis rentré dans le ton très vite. J’aime ce qui change. Ce mélange de romanesque, d’action et d’historique me plaît. Il faut être le premier à rêver pour faire rêver les autres. Un mélo n’a pas la même dynamique. La comédie demande une vivacité presque permanente. Ça joue constamment de l’allegro alors que le mélo c’est l’andante». Comme Robert Hossein pour «Les misérables», Philippe de Broca travaille à la fois sur un film et sur une série télévisée. «Quand on me parle de téléfilm, ça me tape sur les nerfs. Le langage télévisuel, ça me fait hurler de rire, ça ne veut rien dire. La télévision est un autre moyen de diffusion, c’est tout. Je tourne tout comme un film cinéma. Je fais du cinéma pour la télévision et pas le contraire. Bien sûr, le rythme d’une série n’est pas le même que celui d’un film. On rentre plus dans l’histoire, il y a moins urgence. Le film cinéma sera monté plus serré. Il sera long. Je pense deux heures et demie. C’est une immense saga, on ne peut tout de même pas en faire un film-annonce. De grandes coupes sont prévues. On tourne même certaines scènes deux fois, avec un personnage en moins. Je sais que je vais avoir un gros travail de montage et quelques problèmes. Le découpage a été fait avant mon arrivée et je ne suis pas d’accord sur tout». Ce sera la version cinéma qui sera éditée en cassettes». Et de Broca voit la vidéo d’un bon œil. «Ce n’est pas concurrentiel, c’est complémentaire. La vidéo est un excitant qui fait dévorer beaucoup plus de pellicule. Les gens ont envie qu’on leur raconte des histoires. Ils achètent surtout des films. En temps que conteur d’histoires, je vois que cassette, télévision ou vidéo, il va falloir fournir, et ça me plaît. Je m’étonne que les gens aillent encore au cinéma. Peut-être par ce qu’il y a, au niveau de la vidéo et de la télévision, une régression technique que l’on peut regretter. Ça a été commercialisé très vite. On n’a pas trouvé l’idéal dans les procédés magnétiques. Il est lamentable qu’il n’y ait que 250 lignes pour les cassettes et 619 lignes pour la télévision ! On aurait dû partir sur des bases de 1000 ou même 5000 lignes qui auraient permis d’agrandir dans de bonnes conditions. La qualité de la pellicule cinématographique reste, pour le moment, nettement meilleure. Ce n’est qu’un passage, je pense. Les gens qui vont au cinéma exigeront la qualité. Tout cela va se sophistiquer très vite. Moi, je ne suis absolument pas inquiet du fait des vidéoclubs qui fleurissent partout».

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *